Des journées chargées
La reine tient beaucoup à son rôle de collaboratrice du souverain. Et ce qui est nouveau, c'est que la masse du peuple s'est aperçue de son efficacité. Pendant de longues années, la Chahbanou était considérée comme la première dame du pays (mais il était admis d'un accord tacite que son rôle était secondaire et essentiellement décoratif. L'arrivée de Farah, jeune femme simple, gaie, courageuse, qui, toute sa jeunesse, avait eu le goût du travail utile et bien fait, a bouleversé les traditions.
-Vous savez, quand on a aimé travailler, quand on aime à se rendre utile, que ce soit au sein de sa famille, puis plus tard à l'école et au lycée, et enfin parmi ses camarades d'Université, quand on a les pieds solidement sur terre, il n'est finalement pas tellement difficile de se rendre utile à l'échelon supérieur, celui de la nation. Vos possibilités d'action et vos responsabilités changent de dimensions, mais les méthodes demeurent.
C'est pourquoi les journées de l'impératrice sont aussi chargées que celles de son époux. Elle dispose d'un secrétariat privé, dirigé par un vieux serviteur des Pahlavis, Fazlollah Nabil. C'est par lui qu'elle est tenue au courant des demandes d'audiences, d'interviews, des requêtes.
Chaque jour, pendant trois bonnes heures, elle se consacre à ce travail. Son bureau, meublé harmonieusement de meubles de style, que réchauffent de beaux tapis sur le sol, est à quelques pas de celui de son mari. Sur sa table, en dehors des dossiers et de deux téléphones blancs, des revues étrangères et les photos de ceux qui lui sont chers : ses parents, le Chah et ses quatre enfants.
Deux ou trois autres heures sont réservées pour visiter des hôpitaux, des cliniques, des laboratoires, des dispensaires, des écoles, des organisations de jeunesse, des clubs. Elle est commissaire des scouts d'Iran, préside plusieurs associations sportives, assiste régulièrement à des compétitions au stade olympique d'Amdjadieh ou sur d'autres stades de la capitale.
-Je suis de l'avis de mon mari ; le sport est un élément nécessaire, indispensable dans la vie quotidienne. Il développe harmonieusement le corps et l'esprit, empêche l'oisiveté et l'indolence, tentations majeures de notre jeune génération habituée au confort matériel.
Avant de donner aux autres des conseils sur ces excellents principes, elle les met en application pour elle-même. La reine monte à cheval, nage, joue au golf, au volley-ball, au ping-pong. Elle s'intéresse aux sports mécaniques tels l'automobile et l'aviation, et se réjouit lorsque ses voyages lui permettent d'assister à de grandes compétitions mondiales.
-J'incite d'ailleurs mes enfants, malgré leur très jeune âge, à se tourner vers le sport. Mon fils aîné montre déjà des aptitudes que je ne freinerai pas. Et j'agirai de même avec mes autres enfants.
Les enfants jouent un rôle très important dans la vie de l'impératrice, qu'il s'agisse des siens ou de ceux des autres. Elle fait beaucoup pour la jeunesse en Iran et pour les mouvements mondiaux de protection de l'enfance.
-C'est tragique de voir ces millions d'enfants, ces millions d'innocents et de petites victimes dont le visage s'étale dans tous les journaux du monde, ces enfants qui ont faim, ces enfants victimes de la guerre, de la maladie, de l'ignorance. Il y a beaucoup à faire, et c'est un domaine où une action efficace est possible.
Pour les petits Iraniens, elle vient de traduire et de faire publier il y a quelque temps l'un des plus jolis contes d'Andersen : la Petite Sirène. Mais, comme tous les enfants d'Iran ne savent pas lire, elle a illustré ce petit ouvrage de dessins et d'aquarelles et a accompagné le livre d'un disque sur lequel elle a personnellement enregistré l'histoire, afin que tous puissent la comprendre.
En cinq jours, le livre et son disque ont été vendus à des milliers d'exemplaires et il a fallu procéder à une réimpression. Les sommes ainsi recueillies ont été versées à l'oeuvre de l'enfance malheureuse et inadaptée.
- Vous vous rappelez cet horrible drame qui a éclaté il y a quelques années en France, à Fréjus. J'étais l'épouse du Chah depuis peu de temps, et cette catastrophe est certainement l'une de celles qui m'ont le plus impressionnée. Quelques jours plus tard, on voyait dans les journaux les photos de ces petits orphelins, hébétés, comprenant mal ce qui leur était arrivé, privés en quelques instants de ce qu'ils avaient de plus cher au monde ; c'était horrible.
L'impératrice tint à accueillir à Téhéran une dizaine de ces petits garçons et de ces petites filles ; elle s'occupa d'eux personnellement, les gâta et surtout leur prodigua la gentillesse, l'attention, la chaleur dont ils avaient peut-être le plus besoin.
Après quinze jours passés en Iran, ces petits orphelins, selon leur propre expression, « avaient trouvé une nouvelle maman ». Depuis lors, Farah continue à s'intéresser à eux et subvient à leurs besoins ; eux la tiennent au courant de leur existence et de leur évolution.
Deux ans après Fréjus, un tremblement de terre d'une rare violence ravageait l'ouest de l'Iran, faisant plus de quinze mille morts et autant de blessés, en quarante secondes. L'ampleur de la tragédie suscita dans le monde un grand mouvement de solidarité et des millions de francs de vivres, de médicaments et de vêtements arrivèrent par avion et par la route.